solar 1Les parcs de production d’énergie solaire sur terres agricoles créent actuellement de fortes tensions en Allemagne, à un moment où pourtant la raréfaction du gaz russe pousse déjà certaines usines à réutiliser le charbon.

Le gouvernement et le ministre de l’économie et de l’énergie, Robert Habeck (Verts), ont engagé toute une série de réformes législatives concernant la politique énergétique, réformes qui sont actuellement dans le circuit parlementaire.

La possibilité de subventionner, à certaines conditions, les parcs de panneaux solaires en terres agricoles, est ouverte, et ne fait qu’augmenter la « ruée vers l’or » qui avait commencé !

Dans les milieux agricoles, les critiques sont fortes, et contradictoires. En même temps on constate une évolution de la position de leurs organisations, qui craignent de ne pas pouvoir résister à cette vague et s’orientent vers des efforts pour la contrôler.

Parmi les agriculteurs, les uns voient dans ces parcs installé dans l’espace agricole une source lucrative de revenus ; les autres craignent les pertes de surfaces exploitées, et le mitage des zones agricoles. Dans certaines communes, le nombre des demandes déposées est tel que l’on peut en effet se demander ce qui, à terme, restera consacré à l’agriculture. Ces demandes s’ajoutent aux parcs déjà existants, pour des surfaces en moyenne de 40 à 100 ha, voire plus de 100 ha dans l’Est allemand. Les Länder de Bayern, Baden-Württemberg, Rheinland-Pfalz, Saarland, Hessen, Niedersachsen et Sachsen ont déjà assouplis les règles, car celle-ci sont pour l’essentiel entre les mains des autorités régionales.

Certains agriculteurs se plaignent du voisinage de ces parcs, qui empêchent l’exploitation rationnelle de leurs terres, par exemple de leurs drainages qui ne fonctionnent plus normalement. C’est particulièrement dangereux pour des implantations touchant les terres de plusieurs exploitations.

Les agriculteurs constatent d’ailleurs que les salariés et les investisseurs dans ces parcs sont le plus souvent des non-agriculteurs. Mais ce sont surtout les fermages qui augment énormément, parfois de plus de 50%, et les exploitants sont face à des dénonciations de leurs baux par les propriétaires. On voit des conseillers préconiser pour les agriculteurs d’exiger pour des baux à 20 ou 30 ans une participation de 7 % aux recettes par le courant électrique, au moins pour une part qui dépasse la justification du fermage.

Il existe déjà des parcs à investissement associant des agriculteurs et des citoyens des communes. La grande question est le renforcement du zonage par les plans d’occupation des sols, car on fait miroiter aux agriculteurs l’utilisation de zones défavorisées, mais ils ont de la peine à y croire partout, et à faire confiance aux décisions communales. Une double production en zones défavorisées leur parait en outre de plus en plus problématique.

Dans les organisations agricoles, on note un changement d’attitude. Elles craignent en général de ne pas pouvoir résister à cette vague. Du coup, elles veulent plutôt constituer une partie prenante forte, pour ne pas laisser faire des investisseurs non-agricoles à la recherche d’implantations de parcs « quoi qu’il en coûte ». Toutes veulent développer l’économie de service à partir de l’agriculture. Landvolk Niedersachsen, Bayerische Bauernverband, Syndikalismus Baden-Württemberg ont déjà publié leurs positions.

Pour tous, il faut que ces parcs servent à la valorisation régionale si l’on veut que la population les accepte. Il faut que la politique énergétique soit un mix entre l’éolien, la transformation de biomasse et le solaire, et non un développement déséquilibré en faveur du dernier. Il ne doit y avoir aucune implantation sur des terres de qualité, et il faut permettre la double exploitation : agricole et énergie. Cela nécessite une planification supra-communale qui respecte notamment les besoins des élevages, tant en fourrages qu’en terres d’épandage.

Cette planification doit être l’affaire de tous. Pour éviter les tendances de choisir des investisseurs extérieurs, il faut privilégier des associations entre agriculteurs et citoyen locaux, dans des « parcs citoyens ».

La situation particulière de l’Allemagne en matière d’énergie lui vaut, encore plus qu’ailleurs en Europe, de constituer le secteur « énergie solaire » en concurrent de plus sur une surface agricole utile déjà si largement convoitée dans la majorité de ses régions.  AM