Le 1er vice-président exécutif de la Commission Européenne, le néerlandais Frans Timmermans (59 ans, Parti travailliste), a soufflé dans une drôle de trompette.
S’ébrouant sans prudence ni ménagement dans le magasin de porcelaine de la réforme de la PAC, il a publié que les récentes propositions retenues pour la négociation en trilogue n’étaient pas conformes, ou pas assez conformes, aux engagements de la Commission pour le Green Deal.
Il a provoqué de vives critiques de la part du Conseil de ministres et du Parlement européen, avec sa menace de retirer les propositions de réforme de la PAC émanant de la Commission européenne.
Du jamais vu : un Commissaire qui menace avec son veto personnel de stopper la réforme de la PAC en pleine procédure ! Les réactions très vives des ministres de l’agriculture et du Parlement européen ne se sont pas fait attendre ! Mais deux fois aussi, et en peu de jours, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a désavoué son collègue vice-président, c’est dire le climat pour la suite.
Julia Klöckner, la présidente actuelle du Conseil des ministres de l’agriculture, a été très claire : le vice-président ne peut changer les propositions de compromis qui sont sur la table comme cela lui plait ! Et dire que les propositions des ministres sont en retrait sur les propositions de la Commission est tout simplement faux !
La présidente de la Commission européenne est intervenue deux fois par écrit. Une première fois elle a indiqué aux députés Verts du Parlement européen qu’on ne stoppera pas la réforme de la PAC. Dans une seconde lettre, elle vient de confirmer qu’un retrait d’une proposition de la Commission est une option légale mais qu’elle est institutionnelle et que la Commission ne l’envisage pas.
Mais elle exprime aussi la crainte que certains aspects des compromis du Parlement et du Conseil des ministres puissent ne pas répondre suffisamment aux objectifs du Green Deal. Là, la Commission devient plus concrète et constate que dans la nouvelle architecture verte de la PAC, des dispositions ont été modifiées au cours de la procédure par les co-législateurs. Elle doute un peu que celles-ci puissent permettre d’atteindre certains objectifs de Farm to Fork et Biodiversité.
Elle prend acte du fait que les 20 ou 30% du budget des aides au 1er pilier vont dans le sens voulu, mais c’est la flexibilisation dans les éco-schèmes qui inquiète. Elle risque de miner des objectifs environnementaux et climatiques. Elle est carrément opposée à ce que les aides aux régions défavorisées soient comptées dans les 20 ou 30 % pour les éco-schèmes.
Pour sa part et sur un ton un peu ironique, Joachim Rukwied, le président du DBV, constate que Timmermans « n’a probablement pas encore bien lu les positions du Conseil des ministres ni du Parlement européen, et devrait arrêter ses combats de retardement ».
Que Timmermans joue des muscles est une chose. Mais il a essayé de changer la PAC, et de puiser dans les fonds qui lui sont affectés, comme le font les Verts depuis des décennies. Il doit aussi commencer à se faire des soucis sur la mise en pratique, technique et financière, des annonces du Green Deal, dont il a la charge. Mais cela ne justifie en rien sa tentative de passer en force.
La réponse écrite d’Ursula von der Leyen est prête aussi à interprétation, car elle semble avoir oublié que la Commission, avec le Commissaire irlandais Phil Hogan, avait fait de la flexibilité l’alpha et l’oméga de sa proposition de réforme !
SPD et Verts contre la position européenne de Klöckner
En Allemagne même, les tensions augmentent dans la coalition gouvernementale à propos des positions prises par la ministre de l’agriculture, présidente du Conseil européen des ministres. Le SPD se range derrière Timmermans, autre social-démocrate : Frans a raison, dit le SPD, il faut que la politique agricole réponde aux promesses du Green Deal !
Les Verts reprochent à Klöckner la rudesse inhabituelle de ses critiques vis-à-vis du vice-président de la Commission européenne. Cela témoigne à ses yeux de « l’ignorance des procédés démocratiques de prise des décisions en UE » . Les Verts allemands veulent reporter le trilogue alors que les organisations agricoles demandent que l’on décide enfin, et rapidement
Les députés européens PPE allemands, eux, soutiennent Julia Klöckner et considèrent que Parlement et Conseil des ministres ont pris des décisions claires. AM