George Eustice (49 ans), l’actuel ministre britannique de l’Agriculture et féroce brexiteur a sans doute mangé son pain blanc.
Car maintenant que la sortie réelle de l’UE approche (fin décembre), avec sous dans deal, il doit bien annoncer aux agriculteurs anglais les conséquences concrètes dudit Brexit et de la réorientation de la politique agricole qui va s’en suivre outre Channel.
Bonne nouvelle pour commencer : le gouvernement britannique va supprimer les aides directes et les remplacer par des programmes « environnementaux et de bien-être animal ».
A partir de 2028, les agriculteurs devront produire des denrées alimentaires de manière rentable et durable sans être dépendants des subventions. Il s’agira en même temps d‘améliorer la protection de l’environnement, la santé des animaux et leur bien-être, et de diminuer les émissions de CO2. Pour cela, les agriculteurs seront soutenus par des programmes ELMS « Environmental Land Programm Management Scheme ».
Selon le DEFRA (ministère de l’agriculture) les aides directes devront baisser à partir de l’année à venir, pour arriver à la suppression totale fin 2027. La baisse sera progressive, et liée à l’importance de l’exploitation. En 2021 il y aura une baisse de -5 %, puis de -15 % en 2022 et encore de-15 % en 2023. Elles devront être de moitié en 2024. Pour les années suivantes les aides seront découplées des surfaces.
Le budget d’aides pour les trois prochaines années est de 2,4 Mrds £, ou 2,67 Mrds €, dont 68 % consacrés aux aides directes, et 23 % pour des programmes existants et des programmes nouveaux d’environnement et de bien-être animal. D’ici à 2024 les aides directes devront baisser à 34 % du budget, alors que les aides des programmes d’environnement et de bien-être animal doivent augmenter à 57 %. La part du budget consacré à la compétitivité économique devra rester tous les ans entre 9 et 10 %.
A la suite d‘une suppression pure et simple des aides directes, la chute du revenu serait en moyenne de 50 % en agriculture, et selon l’importance de l’exploitation elle pourrait aller jusqu’aux 2/3, les grandes étant plus touchées que les petites. La suppression des aides directes sera accompagnée par les programmes ELMS jusqu’en 2024. Ces programmes introduiront des incitations à des pratiques agricoles durables.
Les agriculteurs britanniques et leurs organisations continuent à réclamer plus d’aides pour leur permettre de s’adapter à la suppression des aides directes. Avant Brexit, les paiements directs britanniques étaient de 4 Mrds €/an, en tant que membre de l’UE. Les agriculteurs craignent pour la survie de leurs exploitations, si les programmes ELMS ne permettent pas de compenser les diminutions des aides directes.
DEFRA accompagne cette politique de la création d’un fonds d’indemnisations forfaitaires des cessations d’exploitations pour ceux qui ne voudraient pas continuer dans les conditions nouvelles.
Le gros problème pour la NFU, le syndicat majoritaire, est que ni les détails des programme ELMS, ni du fonds d’indemnisation des cessations d’exploitation ne sont connus. Ils sont « promis » pour le début de l’année à venir. Les agriculteurs craignent le décalage entre baisses des aides directes et mises au point des programmes d’accompagnement, et une réaffectation réelle insuffisante des crédits. Ils soulignent par ailleurs que les aides directes étaient aussi des lignes de survie, pour les cas de variations brutales des prix agricoles sur les marchés.
Le ministre Eustice répond à ces critiques et inquiétudes, que maintenant la concertation commence pour mettre au point les programmes d’accompagnement. « Si nous travaillons bien ensemble, le reste du monde voudra nous imiter dans une décennie. » Toujours aussi drôles, ces Anglais… AM