Le ministre allemand (et Vert) de l’agriculture Cem Özdemir a, le 28 mars dernier, rendu visite à Paris au ministre français Julien Denormandie.
Première remarque : il a fallu attendre près de 100 jours après son entrée en fonction pour que le ministre allemand accomplisse cette visite protocolaire de prise de fonction. On fait plus empressé… On ne se fâchera pas pour autant, et le coronavirus a bon dos : il sert d’excuse encore cette fois.
La France et l’Allemagne sont deux poids lourds dans le Conseil européen des ministres de l’agriculture et veulent évidemment surtout mettre en lumière leurs accords en politique agricole, et mettre une sourdine à leurs divergences.
La guerre d’Ukraine et ses conséquences pour le secteur agricole étaient au centre de leurs entretiens, ainsi que l’aide à apporter au gouvernement de Kiev pour assurer l’approvisionnement de sa population. Là-dessus, on est à peu près d’accord. Pour ce qui est de l’agenda Farm to Fork, c’est par contre moins évident et des clivages apparaissent.
De deux côtés du Rhin, on est d’accord pour une plus grande autosuffisance européenne de manière générale. On est par exemple d’accord pour développer la production de légumineuses en particulier pour l’alimentation humaine et animale. Mais du côté allemand on insiste un peu lourdement sur la substitution de ces sources végétales aux produits animaux. On n’est pas Vert pour rien, on préfère une soupe de fèves à une entrecôte saignante…
France et Allemagne sont également à l’unisson sur les débouchés locaux et régionaux pour les productions agricoles, ainsi que sur un soutien plus important à une économie circulaire au sein des exploitations agricoles, en vue d’une production plus durable.
Mais Cem Özdemir est venu également plaider à Paris pour le Green Deal, que le président français a encore mis récemment en cause en demandant la révision de F2F. Il ne faut pas, selon Özdemir, jouer la crise ukrainienne contre la crise climatique et de la biodiversité.
Denormandie est resté plus discret sur le sujet Farm to Fork. La France par contre accentue beaucoup plus les nécessités de production en UE, à cause des tensions sur les marchés internationaux. Le ministre allemand soupçonne donc Paris d’être disposé à retarder le Green Deal.
Le moteur franco-allemand tousse également dans les détails d’application de la Politique Agricole Commune. Par exemple : Özdemir ne voulait pas du stockage privé de viandes de porcs, considéré comme inutile, alors que son collègue français a réussi à l’imposer à Bruxelles. Concernant les jachères, le ministre allemand ne veut pas les libérer pour de la production, et surtout ne pas autoriser l’utilisation d’engrais et de pesticides sur ces surfaces, alors que la France le fait. Bref, le ministre allemand, tout-beau tout-nouveau, n’entend pas mettre son drapeau vert dans sa poche sous prétexte de guerre ukrainienne ou de craintes sur les approvisionnements mondiaux.
Pour le moment donc, le gouvernement français veut surtout éviter les tensions avec Berlin, et Denormandie a largement de quoi occuper ses journées au sein l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron. Mais un jour ou l’autre, après les élections françaises, il faudra bien mettre les choses au clair. La politique agricole de l’UE se fait elle désormais chez les Verts allemands ? AM-FM